Monsieur le Président de la République,
J’ai l’honneur de vous solliciter au sujet d’une situation urgente et hautement importante qui affecte plusieurs entreprises agricoles en France, relative à des décisions de refus de visas saisonniers prises par le Consulat de France à Casablanca ces dernières semaines.
En effet, depuis le mois d’octobre 2021, le Consulat de France à Casablanca a refusé plusieurs centaines de visas demandés par des ressortissants marocains qui devaient exécuter des contrats de travail saisonniers dans des exploitations agricoles françaises.
Pour les employeurs, ces décisions de refus affectent lourdement l’activité des entreprises françaises leur productivité et leur compétitivité.
Rétrospective
Une importante réforme sur la procédure d’immigration professionnelle a été engagée en avril 2021. Ainsi, les modalités de demande d’autorisation de travail ont été simplifiées, permettant d’accélérer la procédure.
Les entreprises que je représente, ont donc sollicité auprès du ministère de l’Intérieur par le biais de la plateforme interrégionale de main-d’œuvre étrangère, des autorisations de travail.
Ces autorisations de travail ont été dûment délivrées par le service instructeur, permettant ainsi aux entreprises de procéder à l’introduction de main-d’œuvre étrangère saisonnière en matière agricole.
Suite à cela, l’Office français de l’Immigration et de l’intégration (OFII) de Casablanca a procédé à la convocation des saisonniers, à l’enregistrement des dossiers de demandes de visas et aux visites médicales.
Cependant, de manière surprenante, plusieurs centaines de demandes de visas ont été refusées.
Toutes les décisions de refus de visas - sans aucune exception – ont été motivées de manière identique et comme suit :
- Il existe un risque de détournement de l’objet du visa à des fins de maintien illégal en France après expiration du visa ou pour mener en France des activités illicites.
- Les informations communiquées pour justifier les conditions du séjour sont incomplètes et/ou ne sont pas fiables.
Ainsi, je vous interpelle et sollicite votre intervention dans cette situation qui
affecte lourdement l’activité économique agricole en France.
En effet, l’activité agricole en France est dépendante de la main-d’œuvre étrangère. Son maintien et son expansion dépendent du recrutement de la main d’œuvre étrangère.
En ce sens, 80% de la main-d’œuvre saisonnière travaillant dans l’agriculture est étrangère, comme le rapportent les chiffres de 2016 de l’Office français de l’immigration. Dans le secteur viticole, 95 % des projets de recrutements font appel à de la main-d’œuvre saisonnière selon l’Étude annuelle de Pôle Emploi de 2021.
Toutes les entreprises que je représente aujourd’hui et bien d’autres encore sont de bonne foi, et produisent tous les éléments permettant à l’administration d’apprécier la réalité du projet de recrutement.
En effet, elles sont à jour de toutes les cotisations sociales et fiscales, condition
indispensable pour l’obtention d’une autorisation de travail.
De surcroît, une majeure partie des entreprises proposent un hébergement pour les travailleurs saisonniers.
Cette pénurie de main d’œuvre est catastrophique pour les entreprises agricoles françaises.
En ce début d’année 2022, plusieurs dizaines d’exploitants agricoles / viticoles ne disposent plus de main d’œuvre qualifiée pour les travaux saisonniers. Les entreprises prestataires de services agricoles, quant à elles, ne peuvent honorer leurs marchés faute de main-d’œuvre.
Toutes ces entreprises comptaient grandement sur l’introduction de cette main d’œuvre étrangère pour assurer leurs activités.
Les conséquences de ces décisions de refus affectent la production française. Selon le représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, la France est la première productrice de produits agricoles au sein de l’Union européenne en 2019. Dans ce sens, elle représente 77 milliards d’euros, soit 18% du total de l’Union européenne.
De plus, le secteur agricole est une source de croissance économique. Selon le représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, en 2019, la valeur dégagée par l’ensemble des activités agricoles représente 3,4 % du PIB français.
Ainsi, la précarité financière subie par les entreprises agricoles françaises due au manque de main-d’œuvre peut entraîner des conséquences considérables sur l’ensemble de la production nationale.
Monsieur le Président, tout au long de votre mandat, vous avez eu à cœur de promouvoir la compétitivité des entreprises françaises ; or aujourd’hui, plusieurs entreprises du secteur agricole voient leur activité en danger.
Il est tout à fait compréhensible que l’immigration professionnelle doive être régulée et que pour ce faire, vous avez restreint la délivrance de visa dans trois pays du Maghreb : le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Cependant, lorsque toutes les voies légales ont été respectées, il paraît déraisonnable que les entreprises vigilantes et respectueuses du droit subissent les conséquences d’une décision politique au péril de leur survie.
Toutes les voies légales de contestation ont été engagées. Cependant, les délais des juridictions sont relativement longs et c’est pour cela que je sollicite humblement votre intervention afin que les visas puissent être délivrés.
Dans cette attente, recevez l’expression de ma très haute considération.
Maître Fatou BABOU
Avocat à la Cour