Sénégalais, belges, marocains, Italiens, Algériens, polonais, béninois, Espagnols, juifs étrangers, russes, arméniens, portugais, chinois… Depuis le début du XIXe siècle et même bien avant , des travailleurs étrangers ont contribué au développement économique de la  France.

Au 19e siècle, les contrôles liés à l’immigration étaient quasi-inexistants.

Pendant la guerre de 1914-1918, en raison des besoins en main-d’œuvre,  la France organise ses recrutements étrangers en coopération avec d’autres pays européens.

Après la guerre, les recrutements et les voyages des travailleurs étrangers sont directement gérés par les entreprises. Par la suite, plusieurs mesures de contrôle et régulation du travail des étrangers en France sont mises en œuvre par l’État français permettant ainsi une législation protégeant le marché national de l’emploi et palliant la pénurie de main d’œuvre.

 

Je suis une passionnée de droit de l’immigration et de la nationalité française et particulièrement de l'immigration professionnelle. Je me suis longtemps interrogée sur les origines de la législation actuelle et  sur l'historique de la réglementation du travail des étrangers en France.

 

C'est ainsi que j'ai débuté mes recherches aboutissant sur des conclusions logiques qui permettent de mieux appréhender l’esprit de la réglementation en vigueur en 2022.

 

 

 

  1. Entre le XVIe etXIXe siècle

 

Le recours à la main d'œuvre étrangère s'organise depuis très longtemps en France les plus vieux écrits remontent à 1599 lorsque Henri IV demandait aux hollandais de sécher les marées de France.   Sous l'impulsion de Colbert, l’industrie du goudron ainsi que les constructions navales ont eu recours à la main d'œuvre étrangère particulièrement suédoise.

 

Lors de la révolution industrielle,  à partir de 1850 des ouvriers étrangers sont  massivement intervenus dans le secteur industriel et agricole en France.

 

 

  • Une loi du 8 août 1893 relative « au séjour des étrangers en France et à la protection du travail national » impose à tout étranger de s’immatriculer dans sa commune de résidence en effectuant une déclaration de domicile.  L’employeur qui faisait travailler un étranger non immatriculé, tout comme le travailleur étranger qui ne procédait pas à son immatriculation risquaient une peine d'amende et éventuellement une interdiction du territoire pour l’étranger.
  • Deux décrets de 1899 autorisent les préfets à limiter le nombre d'ouvriers étrangers selon la nature des travaux et la région : décret du 10 août 1899 et du 11 août 1899

 

  1. Les deux guerres mondiales

 

La 1re guerre mondiale ainsi que la 2de  ont été menées grâce à l'appui de forces militaires étrangères ; les infrastructures ont également été réalisées grâce à la main d’œuvre étrangère.   Des  bureaux de recrutement de main d’œuvre étrangère  ont été créés dans plusieurs pays (Portugal , Espagne, Grèce). C’est ainsi qu’est apparu alors un comité d'étude de contrôle de la main d'œuvre étrangère. 

 

Durant la 1re  guerre mondiale,  la main d’œuvre nationale a été fortement restreinte en raison de la mobilisation sur le front, créant ainsi une pénurie de main d'œuvre dans le secteur agricole et industriel.  Ainsi 23000 portugais ont été recrutés par l'intermédiaire de l'office rattaché au ministère du Travail. Au total, il a été dénombré environ 240 000 personnes venues de l'étranger pour travailler en France.

 

Principales réglementations

 

  • Le gouvernement français signait en 1919 des traités organisant l'immigration collective avec la Pologne et l'Italie et en 1920 avec l’État tchèque.
  • Un décret du 21 avril 1917 a été pris pour encadrer le recrutement, la circulation et la surveillance de la main d'œuvre étrangère et coloniale en France. Ce décret impose aux travailleurs étrangers la détention d’une carte d'identité spécifique et de circulation mentionnant le lieu du travail, l'employeur et d'autres informations.
  • C'est avec le décret du 6 juin 1922 relatif « à la délivrance d'un sauf-conduit et d'une carte d'identité au travailleur étranger » que sont apparues les autorisations d'immigration prenant la forme d'une carte d'identité de travailleur qui est accordée en fonction des besoins de l'économie. Il apparaît également les sanctions d'ordre pénal et les expulsions du territoire en cas de défaut de détention de ces cartes d'identité.
  • Une loi du 10 août 1932 protégeant la main d’œuvre nationale autorise la fixation de quota maximum de travailleurs étrangers par profession
  • Un décret du 6 février 1935 impose un contrat de travail visé favorablement par le service compétent du ministère du Travail pour obtenir la carte d'identité de travailleur étranger
  • Un décret-loi du 2 mai 1938  instaure deux types de cartes : 1) une première dite « la carte normale » qui donnait droit à l'étranger d'exercer une seule profession dans un secteur déterminé au sein d’un département où  du territoire tout entier,  d'une durée maximale de 3 ans (cette durée pouvait varier en fonction de la durée du contrat). 2) « une carte dite spéciale » qui permettait à l'étranger d’exercer toute profession sur le territoire de la France

 

Le gouvernement de Vichy a pris très peu de lois concernant l'immigration professionnelle en France ; une seule peut être citée celle du 27 septembre 1940 relative à la situation des étrangers en surnombre dans l'économie nationale.  Cette loi prévoyait un travail forcé sans salaire pour les étrangers en surnombre dans le marché de l’emploi.

 

  1. Les débuts de la réglementation moderne

 

L'ordonnance du 2 novembre 1945 et le décret du 5 juin 1946 instaurent un contrôle a priori de l’immigration. Elle dispose à son article 7 «l'étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée sans y avoir été préalablement autorisé par le ministère chargé du travail ». Naissance officielle de l’autorisation de travail

 

Cependant dans l'après-guerre le besoin de main d'œuvre dans le cadre de la reconstruction se fait ressentir intensément.  Il en résulte que des travailleurs étrangers entrés irrégulièrement en France sont régularisés dès la production d'un contrat de travail ou d'une promesse d'embauche. En 1855 les régularisations représentaient   82% des délivrances d'autorisation de travail.

 

Principales réglementations

 

  • Deux circulaires dites Marcellin et Fontanet du 24 janvier et du 23 février 1972 donnent un coup d'arrêt aux régularisations et restituaient à l'ONI (l’Office national d’immigration) le monopole  du recrutement des primomigrants.

 

  • En 1973, suite aux mobilisations de travailleurs étrangers contre les circulaires Marcellin-Fontanet, la circulaire Gorse (du nom du ministre du Travail) régularise près de 40 000 travailleurs étrangers entrés en France hors des procédures légales.

 

  • Un décret du 21 novembre 1975 instaure officiellement l'opposabilité de la situation de l'emploi .  En effet il dispose que pour la délivrance ou le renouvellement de l'autorisation de travail l'administration devait apprécier la situation de l'emploi présente et à venir dans la profession et la zone géographique pour laquelle l'autorisation est sollicitée.

 

  • Une loi du 17 juillet 1984 instaure un titre unique de séjour et de travail dénommé la carte résident qui contient une autorisation de travail  sans d'opposabilité de la situation de l'emploi
  • Une loi du 10 juillet 1976 lutte contre l'emploi d'étrangers sans titre ainsi que le trafic de main d'œuvre étrangère.  Dans les années 80, plusieurs débats sont engagés au sujet du statut professionnel des travailleurs étrangers. Les garanties des travailleurs étrangers étaient  de plus en plus renforcées et d'un autre côté les autorisations de travail devaient être délivrées dans le respect de la protection du marché du travail national.
  • Entre1981 et 1982 on observe la régularisation de 132 000 travailleurs étrangers sans-papiers. Deux conditions sont posées pour les candidats à la régularisation : être entrés en France avant le 1er janvier 1981 et pouvoir justifier d’un emploi, avec ou sans contrat de travail.
  • En 1991 le  droit au travail pour les demandeurs d’asile est supprimé.

 

 

 

Une loi du 24 juillet 2006 et écarte le principe d'opposabilité de la situation de l'emploi pour les demandes dans un métier et une zone géographique caractérisée par les difficultés de recrutement.

 

Un arrêté du 18 janvier en 2008 publie une liste de métiers en tension ouverts aux ressortissants étrangers sans opposabilité de la situation de l’emploi.

 

En 2010 les DIRECCTE sont créés et délivrent les autorisations de travail, sous l’égide du ministère du Travail.

 

En 2016 est créée la carte de séjour passeport talent facilite l'obtention du titre de séjour  pour les salariés qualifiés.

 

En 2021 la prérogative de la gestion de la main d’œuvre étrangère est retirée au ministère du Travail et attribuée au ministère de l’Intérieur sous la direction des préfectures.

 

Le 1er avril 2021 sont créées les plates-formes interrégionales de main d’œuvre étrangère, au nombre 7 sur l’ensemble du territoire national. Ces plates-formes délivrent les autorisations de travail aux salariés étrangers résidant en France avec un titre de séjour et au résidant hors de France. La nouvelle liste de métiers en tension ouverts aux ressortissants étrangers sans opposabilité de la situation de l’emploi est publiée.

 

 

Histoire de l’ OFII

 

L’OFII a pour ancêtre l’ONI  (l’Office national d’immigration) créé par l’ordonnance du 2 novembre 1945.

L’Office est le premier organisme d’État qui détient le monopole du recrutement des travailleurs étrangers.

L’ONI s’exporte dans des pays étrangers en créant des centres de recrutement en Italie,  Espagne,  Tunisie, Yougoslavie,  Maroc, Turquie, etc....

Les recrutements concernaient :

  • Les travailleurs saisonniers ;
  • L’immigration permanente ;
  • La régularisation des clandestins.

 

En 1988, l’ONI devient l’Office des migrations internationales (OMI). Ce nouveau nom ouvre sur de nouveaux objectifs et de nouvelles perspectives.

À partir des années 90, l’OMI met le cap sur l’accompagnement social et l’intégration des immigrés.

  • La mise en place des formations civiques et linguistiques
  • Le dispositif d’aide au retour et à la réinstallation révisée
  • Depuis les années 2000 : OMI, SSAE, ANAEM et enfin OFII

 

L’organisme en charge du flux migratoire n’a cessé de changer de nom. Le SSAE vient remplacer l’OMI. Et en 2005, l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) est créée. Finalement, le gouvernement Sarkozy décide de la mise en place d’un opérateur unique qu’est l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) en 2009.

L’OFII est aujourd’hui le premier interlocuteur pour l’accueil, l’accompagnement et l’intégration des étrangers. Il agit sous la tutelle de la Direction générale des étrangers en France du ministère de l’Intérieur depuis 2010.

Les missions de l’OFII sont les suivantes :

  • L’accueil et l’accompagnement des demandeurs d’asile
  •  La gestion des procédures de l’immigration régulière (familiale, professionnelle) aux côtés ou pour le compte des préfectures et des postes diplomatiques consulaires
  •  L’accueil et l’intégration des immigrés autorisés à séjourner durablement en France et signataires à ce titre d’un contrat d’intégration républicaine avec l’État
  • L‘aide au retour volontaire et à la réinsertion des étrangers en fin de droit et en situation irrégulière, dans leur pays d’origine
  • L’émission de l’avis médical dans le cadre de la procédure d’autorisation de séjour pour soins.

 

 

Aujourd'hui,  l'immigration occupe la place centrale dans le débat des présidentielles 2022, certains candidats dénigrent l'immigration et contestent son rôle  dans le développement économique de la France,  il est important pour moi de rappeler l'histoire. L'État  français a, depuis l'ordonnance de 1945 même bien avant, réglementé strictement le travail des étrangers en France dans le respect de la protection de la main d'œuvre nationale et des besoins de l’économie.

 

Maitre Fatou BABOU

Sources

 

https://www.histoire-immigration.fr

https://www.ofii.fr

Répertoire de droit du travail Cyril Wolmark

https://www.gisti.org

https://www.dalloz.fr

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