Le 23 janvier 2025, le ministère de l’Intérieur a publié une nouvelle circulaire réformant en profondeur l’admission exceptionnelle au séjour (AES). Ce texte, signé par Bruno Retailleau, remplace et abroge la circulaire Valls du 28 novembre 2012, qui fixait jusqu’ici les critères de régularisation des étrangers en situation irrégulière.
Avec cette abrogation, le gouvernement met un terme à une décennie de régularisation encadrée mais accessible, et durcit drastiquement les conditions d’accès aux titres de séjour pour les sans-papiers. Faut-il voir dans cette décision une nécessité pour mieux maîtriser l’immigration ou un revirement politique à visée purement sécuritaire ? Décryptage d’un tournant majeur.
1. La circulaire Valls : un cadre clair désormais supprimé
Depuis 2012, la circulaire Valls définissait les critères de régularisation des étrangers en situation irrégulière. Elle permettait notamment à certains sans-papiers de régulariser leur situation sous conditions, en tenant compte :
• De leur durée de présence en France.
• De leur insertion professionnelle.
• De leur situation familiale et des attaches en France.
• De la scolarisation des enfants.
Bien qu’elle n’ait jamais été une garantie de régularisation automatique, la circulaire donnait un cadre aux préfectures et permettait d’accorder des titres de séjour sous certaines conditions objectives.
Son abrogation marque une rupture radicale, supprimant ces critères de référence au profit d’une appréciation plus stricte et plus restrictive.
2. Ce que change la circulaire Retailleau
La nouvelle circulaire remplace la logique de régularisation encadrée par une approche sécuritaire et restrictive. Trois grands axes se dégagent :
Un caractère strictement exceptionnel de l’AES
• L’admission exceptionnelle au séjour ne sera plus une voie de régularisation « alternative » mais un dispositif dérogatoire d’exception.
• La circulaire met fin aux critères souples établis par la circulaire Valls et durcit les conditions d’admission.
• L’objectif affiché est de réduire au maximum le nombre de régularisations, sauf pour des cas humanitaires extrêmes.
De nouvelles exigences d’intégration
• Désormais, seule une intégration avérée pourra justifier une AES, avec un accent particulier sur :
• La maîtrise du français (justifiée par un diplôme ou une certification officielle).
• L’adhésion aux valeurs républicaines.
• Une durée minimale de présence en France de 7 ans, sans garantie de régularisation.
• Cette exigence remplace les anciens critères de la circulaire Valls, qui considérait plus largement l’insertion professionnelle et la scolarisation des enfants.
Un durcissement sur l’ordre public et les OQTF
• La circulaire exclut automatiquement du bénéfice de l’AES :
• Les étrangers en situation de polygamie en France.
• Ceux présentant un risque pour l’ordre public.
• Les étrangers sous OQTF devront attendre trois ans avant de pouvoir déposer une nouvelle demande.
• Ce dispositif vise à réduire les recours et accélérer les expulsions, en resserrant l’étau sur les sans-papiers.
3. Quelles conséquences pour les étrangers et leurs défenseurs ?
Un accès restreint à la régularisation
L’abrogation de la circulaire Valls supprime les seuls critères clairs permettant d’orienter les décisions préfectorales. Désormais, chaque dossier sera évalué au cas par cas, sans ligne directrice précise. Cela signifie :
• Plus d’arbitraire dans les décisions préfectorales.
• Une hausse des refus et des recours devant les tribunaux.
• Une incertitude totale pour les étrangers en situation irrégulière, qui ne peuvent plus se baser sur un cadre préétabli pour espérer une régularisation.
Un coup dur pour les travailleurs sans-papiers
Avec la suppression de la circulaire Valls, les travailleurs sans-papiers perdent un outil essentiel.
• La régularisation pour motif professionnel était possible avec 24 mois de travail sur les 5 dernières années et 3 ans de présence.
• Désormais, seuls les salariés exerçant dans un métier en tension pourront être régularisés… et encore, via une procédure différente de l’AES (article L.435-4 CESEDA).
• Cette mesure risque d’aggraver la précarité des travailleurs sans-papiers et de pousser certains secteurs (BTP, restauration, services) vers un manque criant de main-d’œuvre.
Une explosion des contentieux en justice
Les avocats spécialisés en droit des étrangers devront désormais :
• Plaider au cas par cas, sans s’appuyer sur un cadre précis comme celui de la circulaire Valls.
• Contester massivement les refus préfectoraux qui vont probablement se multiplier.
• Démontrer avec des arguments solides l’intégration du demandeur et l’impact d’un refus sur sa vie privée et familiale.
4. Un changement de paradigme : vers une politique du refus systématique ?
L’abrogation de la circulaire Valls et l’adoption d’une ligne plus dure traduisent un virage assumé du gouvernement :
• Fini la gestion pragmatique et encadrée des régularisations.
• Priorité aux éloignements et à la restriction maximale des titres de séjour.
• Moins de régularisations, plus d’OQTF exécutées.
Mais cette politique est-elle réellement efficace ? En supprimant la circulaire Valls sans alternative claire, le gouvernement plonge des milliers d’étrangers et leurs employeurs dans une incertitude totale. Cette situation risque d’engendrer :
• Une précarisation accrue des étrangers en situation irrégulière.
• Une explosion du travail dissimulé.
• Un embouteillage judiciaire, avec des recours en forte augmentation.
Conclusion : un durcissement sans précédent et un retour en arrière
Avec cette nouvelle circulaire du 23 janvier 2025, le ministère de l’Intérieur efface dix ans de régularisation encadrée et durcit drastiquement les conditions d’admission au séjour.
Loin d’être une simple réorganisation administrative, cette réforme marque un tournant répressif majeur et met fin à une approche qui, bien que critiquée, permettait d’apporter un minimum de clarté et d’équité aux procédures de régularisation.
Pour les étrangers et leurs défenseurs, l’heure est donc à la vigilance et à l’anticipation. Désormais, chaque dossier devra être préparé avec une rigueur extrême, en mettant en avant des arguments solides et irréfutables pour espérer une issue favorable.
Une question demeure : cette politique du durcissement à tout prix sera-t-elle efficace à long terme ? Ou bien risque-t-elle de fragiliser encore davantage des milliers d’étrangers déjà insérés dans la société française sans offrir de solution viable ?
Et vous, que pensez-vous de cette suppression de la circulaire Valls et du durcissement des conditions de séjour ?
Faut-il aller encore plus loin ou rétablir un cadre plus équilibré ?
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